Comme un air de country

Hum...

Isaure se retourna en grognant légèrement, remua si bien que la couverture glissa sur ses hanches avant de finir par ouvrir un oeil pour découvrir Andras trempé de la tête aux pieds.

Qu'est ce qui s'passe ?

Elle se traina jusqu'à lui, passa sa main dans ses cheveux avant de réaliser enfin qu'il était vraiment mouillé.

- L'homme, Jack. Il est arrivé. Attends, laisse-moi un instant... Pas la peine que tu prennes froid.

Il ferma le pan de toile avec précaution, et laissa tomber avec soulagement sa veste et sa chemise trempées. Ayant attrapé sa serviette, il se sécha à grands gestes énergiques.

- Il dort là, dehors, sous la pluie. Epuisé, apparemment. Je n'en ai pas encore tiré grand chose, je le laisse se reposer.

Jack ?!

Elle l'avait croisé rapidement, alors qu'il traçait son chemin d'un pas assuré. Curieuse, elle s'approcha à quatre pattes de l'entrée de la tente, et souleva un morceau de tissu pour jeter un oeil à l'extérieur. Elle ne put que distinguer une vague silhouette.

Il a dû beaucoup marcher.

L'intérêt qu'elle lui portait était déjà retombé et elle fixa son regard gris sur le pianiste.

Heureusement que tu acceptes de m'abriter. Sinon, je serai à côté de lui.

- Il aurait été sous ton charme, et t'aurais fabriqué un abri avec ses propres vêtements, quitte à mourir de froid. Je vois ça d'ici.

Il lui accorda un sourire en coin en terminant de se sécher. Avec cette foutue flotte, il n'allait plus avoir une seule chemise à se mettre. Dieu merci, il lui en restait une dernière, noire. Il l'enfila rapidement, et en vérifia les entournures d'un oeil suspect. Rien de négligé. Parfait.

Elle le regarda s'habiller et vint coller sa poitrine nue dans son dos, passant ses mains autour de sa taille.

Je te préfère sans rien.

Isaure posa son menton sur son épaule et appuya sa joue contre la sienne.

Tu es bien trop sérieux Andras. Je vais devoir t'apprendre à te lâcher un peu !

Il boutonna les poignets avec soin.

- Ah? Et c'est mal d'être sérieux?

Sa main vint presser son visage davantage contre le sien, et il sourit. C'était bien la première fois qu'il entendait un tel reproche.

Hum... Non. Mais tu es bien plus beau quand tu souris. Sinon je vais croire que je n'arrive pas à te rendre heureux.

Elle déposa un baiser dans son cou et lui mordilla le lobe d'oreille quelques secondes.

Je devrais m'habiller. Si Jack se réveille et décide de lancer une grande fête, je serai bien embêtée !

- Une grande fête à trois personnes? En effet, ce serait dommage de manquer ça.

Il l'attrapa par la taille et l'embrassa avant de la laisser filer. Les contrariétés quotidiennes avaient repris le dessus dans son esprit. Trouver des sourciers. Trouver un chemin. Survivre. Ils étaient perdus au milieu de nulle part, sans le moindre indice.

Il sortit avec précaution la carte qu'il avait dessinée, et l'observa à nouveau, comme si elle pouvait lui fournir subitement de nouvelles indications sur la marche à suivre. Une barrière de montagnes au sud... Pas question de faire demi-tour vers Korrock... Le Nord, l'Ouest?

Bien qu'il fasse preuve d'optimisme devant Isaure, il commençait à se demander s'ils allaient s'en sortir.

Isaure se pencha au dessus du pianiste pour inspecter la carte. Rien de très réjouissant ne s'y profilait et les attaques à répétition qu'ils subissaient commençaient à l'agacer particulièrement.

Allons au Nord.

Elle posa un doigt fin sur la carte en désignant l'endroit.

- Bien.

Il replia la carte sans plus de cérémonie. Le nord, c'était aussi bien qu'autre chose. Ils reprendraient la route et avanceraient le plus possible, histoire de changer un peu le morne paysage.

- Tu te sens capable de marcher? Tu vas mieux?

Ca ira. Croisons juste les doigts pour que l'orage cesse.

Elle le regarda avec une certaine tendresse et continua en souriant, un peu taquine :

Tu es charmant, à t'inquiéter pour moi.

Il lui répondit sur le même ton, affichant son sourire en coin habituel.

- A défaut d'être souriant, c'est toujours ça!

La tendresse dans ses yeux l'apaisa, et diminua un peu son angoisse. Quoi qu'il advienne, il ferait son possible pour qu'elle n'ait pas à souffrir. Il faudrait bien qu'ils y arrivent.

Tout en discutant, Isaure avait rassemblé ses affaires. Bien que rassembler fut un grand mot, puisqu'elle n'eut qu'à remettre deux ou trois vêtements éparses dans son sac et de le fermer.

Quand partons-nous alors ? Le temps a l'air de se calmer un peu, il faudrait peut-être réveiller Jack...

- Dans ce cas je démonte la tente et nous partons. Je te laisse t'occuper de Jack, j'ai dans l'idée qu'il appréciera plus d'être réveillé par toi que moi.

Avec la rapidité que commençait à lui conférer l'habitude, Andras rassembla ses affaires et entreprit de démonter la tente. Il ne lui fallut pas plus d'une demie-heure pour que tout soit à l'abri dans son sac. Après avoir tout vérifié minutieusement une dernière fois, il hocha la tête, apparemment satisfait, et donna le signal du départ.

La route fut aussi longue et pénible que les jours précédents. Le sable durci par la pluie rendait la marche plus simple, mais la pluie intermittente et le vent les ralentissait considérablement. C'est avec soulagement qu'ils virent le soir tomber, et choisirent de monter le campement pour la nuit.

La tente fut à nouveau montée avec attention. Andras ne proposa pas à Jack de l'héberger. Le cow-boy avait sans doute de la ressource, s'il se satisfaisait ainsi de la belle étoile, et la place manquait, de toute façon. L'homme était plutôt laconique, un trait de caractère qui était loin de déranger le pianiste, qui ne portait pas lui-même l'art de la conversation aux nues.

C'est épuisé qu'il vint enfin s'allonger sous la tente. En fermant les yeux, il pouvait encore voir des volutes de sable tourbillonner. Un paysage morne, insipide, terriblement lassant. De plus en plus véhémente, la pensée de retourner sur ses pas et de repasser par les marais de Korrock pour tenter leur chance de l'autre côté le tourmentait. Après tout, ils n'avaient rien croisé ici qu'il vaille le détour, et l'idée de monter toujours plus au nord l'inquiétait. L'hiver était proche. Ne prendraient-ils pas le risque de mourir de froid?

Un courant d'air aurait fait plus de bruit. Féline, Isaure pénétra dans la tente sans un bruit, prenant une attention extrême à rester silencieuse. Même sa respiration semblait s'être éteinte.

Elle s'approcha lentement d'Andras et resta au dessus de lui quelques secondes avant de l'embrasser sur le front et de lui murmurer :

Bonne nuit Monsieur l'artiste...

Il l'enlaça, la détaillant comme s'il la voyait pour la première fois.

- La nuit n'a pas encore vraiment commencé...

Il lui sourit d'un air entendu, et l'embrassa.

- Tu ne te sens pas trop faible, après cette marche?

Elle lui tapa doucement sur le nez du bout de l'index.

Ne dis pas de bêtises. Je ne suis plus une enfant qui se fatigue dès que le coin de la rue est passé...

Charmeuse et sensuelle, la danseuse se frotta à lui...

Toi par contre, tu n'as pas l'air en grande forme ! Hum..

Elle posa un doigt sur ses lèvres, dans une pose faussement réflexive.

Je devrai peut-être te laisser tranquille !

- Entre ce que nous devrions faire et ce que nous ferons, il risque d'y avoir un monde, Isaure... Mais si tu as décidé de devenir subitement un modèle de conduite, je respecterai ta décision.

Il enfouit son visage dans le cou de la jeune femme, et murmura, rauque et charmeur à son tour:

- Je la déplorerai toute la nuit, mais je la respecterai.

La jeune femme éclata de son rire céleste.

Mon Dieu, Andras ! Mais qu'ai-je fait de toi ? Te voici déjà plus débauché qu'un marin égaré dans un vieux port ! Ce n'est pas possible !

Elle s'assit juste à côté de lui, de manière à ce que sa jupe dévoila quelque peu ses jambes, et feigna de se peigner, insensible aux avances du pianiste sur lequel elle jetait pourtant des regards langoureux.

Il resta impassible, et croisa les bras derrière la tête.

- Dans ce cas, je ne peux que te souhaiter une nuit paisible et reposante. Je tâcherai de ne pas déplorer ta vertu de manière incommodante.

Il ferma les yeux pour affecter de l'ignorer davantage. Seul son léger sourire indiquait son état d'esprit.

Dis moi que j'hallucine !

Elle jeta son peigne au fond de la tente et lui sauta dessus en riant.

Je n'ai aucune vertu, et tu le sais bien !

Elle l'embrassa avec un mélange de fièvre et de passion, mêlant ses jambes à lui pendant qu'une de ses mains venait s'agripper à la sienne avec force...

Il ne sursauta pas sous l'assaut, comme s'il l'avait prévu. Il répondit à son baiser avec passion, mais sitôt leurs bouches séparées, affecta de s'inquiéter.

- Je croyais que tu voulais rester tranquille, et que tu détestais toute cette débauche... Je ne voudrais pas ruiner tes bonnes résolutions...

Ses mains contredisaient pourtant ses mots, glissant le long de ses jambes avec avidité. Ses pouces vinrent effleurer puis caresser l'intérieur satiné de ses cuisses, remontant de plus en plus haut, jusqu'à la lisière de ses sous-vêtements.

Elle frissonna de plaisir sous ses caresses.

J'ai perdu toutes mes bonnes résolutions le jour où je t'ai rencontré.

Isaure déboutonna la chemise de son amant tout en continuant :

Et puis... Comment résister à ce charme si mystérieux qui te va à merveille ?

Elle se pencha pour disperser de multiples baisers sur son torse nu.

- Même si je le savais, je te ne le révèlerais pas...

La pression de ses doigts se faisait plus insistante, délimitant la frontière de tissu qui le séparait encore de l'intimité de la jeune femme. Il s'offrait à ses baisers sans interrompre le mouvement de ses mains, tour à tour discrètes et empressées. Elles se firent plus directes soudain, parcourant sans complexe son entrejambe, jusqu'à se glisser sous ce dernier rempart sur sa peau nue.

Comment pouvait-elle le rendre fou d'elle à ce point? Le contact de sa peau sur la sienne ne lui laissait aucun espoir.

Impatient, il la fit chavirer sur le côté, et la débarrassa avec lenteur de la petite culotte indésirable. Sa bouche reprit le parcours qu'avaient indiqué ses mains, des genoux aux cuisses, baisers, pincements, légères morsures.