Another day in Paradise

Une douleur sourde cinglait l'esprit de Felim quand il se réveilla. Le jeune homme se passa une main sur les yeux. Dieu qu'il avait mal ! Un goût de rouille refluait dans sa bouche. Il essaya de se souvenir. Pas de cuite la veille pourtant, alors ? Et puis Cherry, où était-elle ?

L'irlandais se releva péniblement. Ce fut seulement à ce moment là qu'il remarqua le sang qui tâchait sa chemise. Il porta aussitôt la main à sa gorge. Avait-il rêvé ?

Il avança lentement tout en appelant :

Cherry ? Cherry, tu es là ?

Bien sûr que non. Elle était morte. Xian l'avait tuée, il l'avait vu. Et lui l'avait vengée et avait tenté de la rejoindre... En vain... Il avait dû être soigné et délirait dans l'infirmerie... Cherry...

Felim tomba à genoux au sol et la tête cachée dans ses mains, se mit à pleurer la perte de celle qu'il aimait...

Cherry releva la tête, sa main s’immobilisant dans les cheveux de Zoé. Des murmures derrière la porte… Avait-elle rêvé ? Pouvait-elle seulement rêver encore ? Qu’est-ce qu’il y avait, derrière cette porte ? Elle était arrivée directement dans cette pièce…

- Ne bouge pas, Zoé chérie. Maman revient.

Une dernière caresse sur la joue rebondie de l’enfant, et elle se leva, époussetant mécaniquement un pantalon qui n’en avait pas besoin. Les quelques pas qui la séparaient de la porte furent rapidement franchis. Elle crispa légèrement la main sur la poignée, jeta un dernier regard au visage confiant et épanoui de sa fille, et y trouva le courage nécessaire. La porte tourna sur ses gonds sans un bruit.

Ce n’était pas le couloir qui aurait dû s’y trouver. Elle vérifia aussitôt qu’il était possible de revenir en arrière, qu’elle ne laisserait pas Zoé si vite après l’avoir retrouvée, et se décida à mieux observer.

Elle ne vit que Felim.

Felim à genoux, son impeccable chemise tachée de sang, devant elle. Ses yeux s’agrandirent démesurément, et elle porta les mains à sa bouche. Etait-il… Pouvait-on être… Ici ? Pouvait-on être mort ici ? Un cauchemar ? Il fallait s’en assurer… Figée, elle l’appela doucement, dans un murmure.

- Felim ?

Il avait entendu sa voix. Voilà qu'il devenait fou. Ca devait être Audrey qui tentait de le réveiller. Cherry était morte. Il l'avait perdu à jamais. Il était brisé. Il devait partir, quitter les Khmers, aller se perdre dans le désert...

Doucement, il releva la tête et ouvrit les yeux pour découvrir la jeune femme devant lui. Un mirage ? Que lui avait-on filé pour qu'il soit ainsi ?

Che... Cherry ?

Il se releva et avança vers elle jusqu'à la toucher. Elle ne s'évaporait pas. Elle était bien là, devant lui. Comment cela était-il possible ?

Le regard halluciné de Felim dévisagea Cherry. Elle était au-delà des mots. Sublime. Magnifique. Divine.

L'irlandais la serra contre lui et fondit en larmes avant d'avouer :

Je suis désolé... J'ai échoué... Je n'ai pas réussi à te protéger...

Dieu merci, il était vivant ! Enfin, vivant… Bon. On s’y perdait un peu de tout ce vocabulaire d’après-vie. Cherry serrait Felim contre elle de toutes ces forces, comme si elle voulait que leurs deux corps confondus n’en forment plus qu’un. C’était lui ! Lui ! Sa peau, son odeur, la chaleur de son corps, son visage… Elle murmurait sans relâche, comme une folle :

-Tu es là ! Tu es venu ! Tu es avec moi, tu es là, je ne t’ai pas perdu, tu es là ! Oh, Felim, Felim, Felim…

Son nom chantait en elle comme une infinité de promesses, et elle le répétait avec un bonheur immense. Elle avait failli se briser de chagrin en pensant le perdre, et il était dans ses bras ! Des larmes de bonheur coulaient librement sur ses joues, alors qu’elle tentait de tout embrasser à la fois, son cou, ses épaules, ses yeux, ses joues, sa bouche… Elle n’était plus qu’un baiser à lui offrir.

- Calme-toi, là, chuuut… Tu es là, tu es avec moi ! Ne pleure pas, Felim, ne pleure pas…

Une main lui caressait les cheveux quand l’autre le serrait encore. Elle répartissait des murmures de réconfort entre ses baisers, ne parvenant que difficilement à croire à sa chance.

- Qu’est-ce que tu as fait, dis-moi ? Toi aussi, la bataille… ?

Il lui rendait ses baisers, caressant ses longs cheveux blonds, ses joues, ses mains, son dos. Il ne pouvait y croire. C'était trop beau...

Et pourtant. Elle était dans ses bras, blottie contre lui...

Je... j'ai tué Xian et après...

Les mots avaient du mal à sortir. Les souvenirs lui revenaient et le goût du sang dans sa bouche se fit plus âcre.

Je me suis donné la mort sur ta tombe. Ce qu'il s'est passé après, je l'ignore...

Il l'embrassa avec passion, ses larmes mouillant encore les joues de Cherry...

- Qu’est-ce que… Tu QUOI ? Mais pourquoi ? Je veux dire… Tu aurais peut-être dû…

Les protestations s’évanouirent sur ses lèvres. Après tout, qu’en savait-elle, de ce qui était bien ou mal ? Il était ici, c’était tout ce qui comptait. Ici, avec elle, en sécurité.

- C’était Xian ? Je n’ai rien vu… Juste la batte, et après…

Elle porta la main à l’endroit du choc, le regard plein d’incompréhension. Tout était resté bien trop confus pour elle. Elle s’était simplement retrouvée ici, avec sa fille. Sa fille ! Elle ne lui en avait pas encore parlé ! Ses yeux se mirent à pétiller d’excitation, et elle saisit les mains de Felim, bouillonnant d’impatience.

- Zoé ! Felim, Zoé est ici ! La chambre, viens !

Elle l’entraîna derrière elle sans lui laisser le temps d’en discuter, mais pila brutalement devant la porte entr’ouverte.

- Ta chemise… Le sang ! Tu vas lui faire peur !

Zoé ? Ici ?

C'était un rêve. Ca ne pouvait être qu'un rêve. Doux, chaud, mais qui se transformerait en cauchemar quand il se réveillerait... En attendant, il comptait bien en profiter.

Désolé Princesse, je n'ai pas emmené de changes.

Il l'embrassa sur le front avant de se débarrasser de sa chemise. Il ne remit que le gilet, dont le noir masquait les traces de sang. Avec un haussement d'épaules pour signifier combien il se trouvait ridicule, il lança :

Présentes moi ta merveille, que j'admire enfin ton chef d'oeuvre !

Elle se gonflait de fierté avant même d’avoir poussé la porte. D’un dernier coup d’œil critique, elle vérifia que rien ne risquait d’effrayer Zoé, puis entraîna Felim derrière elle sur la pointe de pieds.

C’est bien ce qu’elle pensait. Zoé dormait. Elle avait reconnu le léger vacillement de son regard quand elle avait quitté la pièce.

La petite fille blottie sous les draps ressemblait de manière frappante à sa mère. La même blondeur dorée, les mêmes cheveux indomptables, la même douceur dans les traits du visage. L’enfant baignait dans la lumière rosée dispensée par la veilleuse électrique, la main innocemment ouverte sur l’oreiller. Cherry la regardait avec une adoration sans borne. Avec fierté, la main de Felim toujours prisonnière de la sienne, elle déclara :

- Je te présente ma fille.

Felim observa la petite. Il n'avait jamais vraiment aimé les enfants, faute peut-être de les connaitre réellement. Il était le dernier d'une nombreuse famille et dans l'Oglaigh, les enfants n'étaient pas sa préoccupation principale...

Mais pourtant Zoé l'hypnotisait. Comme sa mère le faisait. Les deux partageaient un pouvoir bien étrange. Il aimait la fillette, il l'avait aimé avant même de la rencontrer.

Elle est superbe. Comme sa mère.

Il avait hâte de la voir se réveiller, de la voir bouger, parler, de la prendre dans ses bras. Il se demandait ce qu'il ressentirait alors.

Elle a quel âge ? Tu crois qu'elle m'aimera bien ?

Cherry lui répondit sans quitter sa fille des yeux, malicieuse.

- Elle a quatre ans, et elle va te détester, et je serai obligée de te quitter ! Tu seras sacrifié sur l’autel de Zoé ! Elle fera ça elle-même, avec l’un des couteaux de sa dînette !

Elle reporta enfin le regard sur lui, et lui adressa un sourire lumineux. Il ne fallait pas la réveiller… Elle l’entraîna à nouveau dehors, et ferma la porte avec précaution. Maintenant qu’elle avait un peu plus de temps, elle reconnaissait enfin les lieux. C’était incroyable qu’elle ne l’ait pas remarqué avant. L’étang, les arbres, l’herbe tendre de la clairière… Oui, c’était leur clairière, mais verte, et non brûlée par le soleil et les radiations. La clairière telle qu’elle avait dû être avant.

Elle se mit face à lui, ses mains nouées derrière sa nuque. Il était extraordinairement beau. Il était venu pour elle, rien que pour elle… Existait-il un bonheur plus parfait que de se savoir avec Felim et Zoé ? Elle était donc au paradis ?

- Felim… Pourquoi… tu as fait ça ?

Pourquoi ?

De l'index, il caressa la joue de Cherry en soupirant.

Comment aurai-je pu vivre sans toi ? Quand tu es.. Quand je t'ai...

Il déglutit difficilement, avant de se lancer :

Quand je t'ai enterrée, j'ai enterré ma vie avec toi. Je me suis senti totalement vide. C'était comme si j'étais déjà mort. Mon coeur ne fonctionnait plus. Mes sens s'étaient éteints. Tout était parti avec toi.

Tu reposes dans cette clairière, et je suppose que je suis à tes côtés. C'est peut-être pour ça que nous nous retrouvons là...

Il la serra à nouveau contre lui, comme s'il avait peur qu'elle ne disparaisse encore...

Je t'aime Cherry.

- Je t’aime, Felim.

Elle ne lui avait jamais dit aussi simplement. Elle s’était toujours dissimulée derrière ses parades et son amour-propre, de peur que cela la mette en danger. Elle avait lutté contre ses propres sentiments. Quand on y pensait, elle était morte sans jamais le lui avoir dit… Elle ne savait pas qui remercier pour lui avoir offert cette chance de se rattraper, mais elle débordait de gratitude.

- Tu m’as fait un bel enterrement, j’espère ? Avec un chœur de pleureuses, une impressionnante procession, des bougies partout et des chants funèbres ? Laisse-moi deviner… Un carrosse noir tiré par des chevaux ?

Elle rit, la tête jetée en arrière. Tout ça était ridicule. Les préoccupations d’avant étaient ridicules. C’était à se demander pourquoi ils s’étaient fatigués à vivre.

Peut-être juste pour se rencontrer…

Je n'ai pas eu le temps de te construire le Taj Mahal, désolé !

Elle riait enfin, naturellement, sans concession. Il lui prit doucement les mains.

J'ai du mal à croire que tout cela n'est pas un rêve. Sais-tu où nous sommes ?

Il lui semblait pourtant normal d'être là, avec elle et Zoé. C'était comme si sa place avait toujours été là et qu'une part inconsciente de lui le savait...

Elle haussa les épaules, toujours radieuse. Tout ça n’avait pas la moindre importance à ses yeux.

- Si c’est un rêve, je refuse qu’il s’arrête. En récapitulant… J’ai le plaisir de t’annoncer que nous sommes tous morts. Zoé m’a parlé de… attends.

Elle regarda autour d’elle avec plus d’attention, jusqu’à ce que son attention se fixe sur l’entrée de la clairière qu’elle lui désigna.

Des portes.

Des dizaines, peut-être des centaines de portes, toutes différentes. Des portes sans mur dressées là, en bois clair, en bois peint, en métal. Des portes juste soutenues par leur encadrement. Une forêt de portes, à plusieurs mètres d’eux. Elle les contempla avec attention, puis hocha la tête.

- Quand j’ai demandé à Zoé qui avait pris soin d’elle, quand je n’étais pas là… Elle m’a parlé de ses grands-parents « derrière la porte ». Elle m’a dit qu’il y avait des tas de portes, pour l’emmener où elle voulait, retrouver les gens qui étaient déjà arrivés. Et elle m’a dit que maintenant que j’étais là… Il y aurait beaucoup plus de portes. Cette clairière, par exemple… Elle ne peut pas la connaître, alors je suppose qu’elle n’était pas ici. Peut-être que ces portes ouvrent des lieux issus de nos souvenirs ? Il doit y avoir mes parents derrière l’une d’elles. Sans doute les tiens aussi.

Mes parents...

Le coeur de Felim se serra. Son père et l'un de ses frères étaient morts avant le Crash, mais les autres ? S'ils les trouvaient, cela voulait dire qu'ils... qu'ils étaient tous morts... Et dans ce cas, tous ceux qu'ils avaient tué aussi ?

Et ça marche comment ? On ouvre et on regarde ? On peut tomber sur n'importe qui alors... Je...

Je ne veux que toi et Zoé pour le moment...

- Non, pas n’importe qui… Enfin, si j’ai bien compris Zoé qui m’a un peu prise pour une imbécile en me l’expliquant. Ces portes sont liées à nos souvenirs. Et puisque la chambre de Zoé est… puisqu’il n’y a pas le reste de la maison, j’en conclus que ce ne sont que de bons souvenirs. Et les portes… On peut les reconnaître. Ce sont les mêmes. Regarde celle de Zoé… Elle est peinte en rose. C’est vraiment l’apparence qu’avait sa porte, dans le couloir.

Elle sourit doucement en observant les trois lettres de bois multicolores fixées sur la porte. ZOE. Elle n’avait pas besoin de plus, pour le moment. Elle se blottit à nouveau contre Felim.

- Je n’ai pas envie non plus de faire la tournée familiale. On fera les politesses d’usage et les présentations chiantes plus tard. De toute façon, je suppose que le temps ne signifie plus rien…

Viens...

Il lui prit la main et l'entraîna à sa suite dans la clairière, à quelques mètres de la maison, pour s'asseoir dans l'herbe. Son gilet le gênait, aussi préféra-t-il l'enlever et profita des rayons du soleil...

Je voudrais savoir une chose. Comment a réagi Zoé quand elle t'a vu ? Est-ce qu'elle s'y attendait ?

- Je… Je ne sais vraiment pas. Je ne lui ai pas demandé. Je pourrais croire qu’elle m’attendait, ou que ça l’a surprise, je… C’était très confus, Felim. J’étais à la fois ici et là-bas, et quand je suis arrivée, j’ai eu l’impression que j’avais toujours été ici. Comme si moi-même, je m’attendais depuis longtemps.

Elle garda le silence pensivement, sa main serrant toujours celle de Felim. Elle ne l’avait pas encore lâché, comme si elle craignait qu’il ne disparaisse à la première occasion.

- Plutôt tordu, hein ? Je suppose que je n’ai pas dû mourir d’un coup, non ? J’ai dû glisser lentement vers ici…

Tu as...

Les mots étaient dur à sortir, même s'il l'avait retrouvé. Il prit une grande inspiration avant de se décider :

Tu es morte dans mes bras. Ca a pris quelques minutes. Tu as hurlé mon nom mais tu étais déjà insconciente. Et après... Tu parlais de Zoé, ou à Zoé plutôt. J'étais impuissant. Tu avais perdu trop de sang pour que je puisse te soigner. Alors je t'ai serrée contre moi, j'ai caressé tes cheveux et je t'ai embrassée. Et c'était fini.

Les larmes affluaient de nouveau à ses yeux. Cette souffrance qu'il avait connu, il ne pourrait jamais l'oublier. Et jamais il ne pourrait se pardonner de l'avoir laissée à découvert...

Elle se rendit compte de la douleur qu’elle lui faisait revivre, et s’en voulut aussitôt. Ses mains vinrent encadrer son visage, et elle l’embrassa tendrement. Elle posa son front contre le sien, et plongea son regard dans les yeux qu’elle aimait tant.

- Je n’ai pas eu mal, tu sais. Et ce n’était certainement pas ta faute. Je n’ai rien compris, rien du tout. Juste ce tumulte, la batte, et le noir. Et puis ce moment où j’étais entre les deux. Ce n’était pas très agréable. J’ai cru t’avoir perdu… C’est pour ça que je t’ai appelé.

Elle se recroquevillait en se souvenant de la douleur qui avait été la sienne. Elle pensait vraiment qu’on ne pouvait pas tout avoir…

- Je croyais que c’était fini. Que tu allais, je ne sais pas… Continuer. Que c’était juste une belle histoire que je pourrais raconter à Zoé.

Tu pensais vraiment que je pourrai vivre sans toi ? Ca ne me serait même pas venu à l'esprit...

Il lui sourit tendrement et l'embrassa. L'éternité s'offrait à eux. Il ne savait pas s'il le méritait, mais une immense vague de bonheur vint le submerger.

Je me demande où est parti Maorga. Il a du reprendre sa liberté. Je l'aimais bien, même s'il n'était guère affectueux...

- Et moi, je suis sûre que tu l’aimais surtout parce que ça en jetait grave, un corbeau blanc ! C’était juste pour entretenir ta réputation !

Elle rit encore, taquine. Son regard embrassa la clairière. C’était tout simplement merveilleux, de se retrouver ici, avec lui. Aux hommes sur terre leurs petites guerres inutiles et leurs mesquineries ; à eux l’amour qu’ils avaient voulu vivre. Elle ne les enviait pas.

- S’ils continuent à faire n’importe quoi, ça va rapidement être surpeuplé, ici… Je n’ai vraiment pas compris, tu sais. Je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas pu se contenter d’essayer d’être heureux. Je croyais bêtement que c’était le but de chaque vie. Pourquoi Xian, au fait ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Je croyais qu’il était responsable du groupe de défense… Il a changé d’avis et décidé de tuer tout le monde, ou bien il avait juste quelque chose contre les blondes ?

Apparemment c'était une révolte contre la politique de Paulette. Il a profité d'un exercice pour attaquer. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi nous. Paulette et Burt n'étaient pas là, alors que ce sont eux les dirigeants... Tu as peut-être malheureusement payé ta présence auprès de moi... Je ne sais pas...

Il la serra contre lui.

Oublions tout ça. Nous sommes réunis tous les trois, que pouvait-on espérer de mieux ?

- Ha ! Je le savais que c’était une idée pourrie, le communisme ! Il fallait m’écouter depuis le début ! Mais tu as raison, on s’en fout. La mort, c’est vachement bien, en fait. Je regrette juste que Philippe ne soit pas ici pour que je lui explose la tête. Ceci dit, je ne sais pas si on peut exploser des gens morts. C’est quand même dingue : il m’enlève ma fille, me rend aussi malheureuse qu’on puisse l’être, tue Zoé, et ce salaud est toujours en vie. Y’a pas de justice, moi je te le dis. Ceci dit, il va en chier, là-bas, et c’est p’têt pas plus mal comme ça.

Elle tourna soudain la tête vers la porte qui n’avait pourtant fait aucun bruit. Elle était légèrement entrebâillée. Dans l’encadrement, une petite frimousse les observait en silence. Cherry s’illumina, et se releva aussitôt.

- Il semblerait que le pays des songes m’ait rendu ma Zoé… Viens, mon petit soleil, viens ! N’aies pas peur.

L’enfant se précipita dans les jambes de sa mère, se dissimulant maladroitement derrière elle en tâchant d’observer l’inconnu discrètement. Les yeux de Zoé étaient extraordinaires, et ne ressemblaient pas à ceux de Cherry. Ils étaient d’un vert profond, immenses, pailletés d’or. Elle mangeait Felim des yeux sans rien oser dire, dévorée de curiosité.

A nouveau, la petite l'hypnotisa. Son père était peut-être un salaud de la pire espèce, mais il avait offert à Cherry un joyau. Doucement, Felim tendit sa main vers l'enfant et lui parla d'une voix calme et douce :

Hé bonjour Zoé. Ta maman m'a beaucoup parlé de toi tu sais. Je m'appelle Felim. Tu es très très jolie.

L'irlandais cueillit une fleur à côté de lui et la tendit à Zoé. Il se demandait si elle l'accepterait un jour...